LES NOEUDS SOUS ARTHROSCOPIE
J-F Kempf
Service de Chirurgie Orthopédique, Traumatologique et Arthroscopique de l Appareil Locomoteur
Hôpital de Hautepierre
67098 Strasbourg
Lutilisation de fils de suture ne date pas dhier puisque le papyrus de SMITH écrit il y a plus de 4000 ans et découvert en 1862 mentionne déjà lusage daiguilles et de fils de lin pour rapprocher les bords des plaies.
HIPPOCRATE (460-370 av. J.C.) a jeté les bases de la médecine et de la chirurgie et on lui doit en particulier la notion de suture par première intention.
Au 9ème siècle, un auteur arabe connu sous le nom dAVICENE a écrit un traité: "Canon de la Médecine" dans lequel il consacre plusieurs pages aux sutures. et en particulier aux sutures de labdomen.
Au 12ème et 13ème siècle, lécole de BOLOGNE avec en particulier THEODORIC , montre quune plaie ne peut être suturée que si elle est sèche et non souillée.
Au 14ème siècle, Guy de CHOLIAC de lécole de MONTPELLIER, a fait de nombreux travaux sur les sutures intestinales.
Au 16ème siècle, le célèbre Ambroise PARE publie plusieurs traités de chirurgie dans lesquels, il insiste sur la nécessité de préférer les ligatures aux cautérisations.
Au 19ème siècle, un chirurgien américain: PHYSICK étudie la résorption de plusieurs sutures dorigine anormale et en particulier le catgut.
Le 20ème siècle voit apparaître des fils en matériel synthétique non résorbable tout dabord puis résorbable à partir de 1970.
Les sutures endoscopiques doivent répondre à un cahier des charges bien spécifique : outre la bonne tenue du noeud et la bonne résistance du fil, lexigence commune à toutes les sutures, le fil doit en outre être suffisamment maniable pour être noué sans trop de difficultés.
Une bonne suture endoscopique cest donc un bon fil, un bon point, un bon noeud et enfin, un bon ancrage.
I LES FILS DE SUTURE
1)Monofil ou fil tressé ?
1° Les monofils
ont une surface lisse et est non capillaire. leurs avantages sont doffrir un bon glissement étant donné l état de surface, de ne pas adhérer aux tissus et de ne pas les traumatiser. Ils offrent par ailleurs une certaine rigidité. Les désavantages sont , quétant plus glissants, les premiers noeuds ont tendance à se défaire et il est difficile dobtenir un bon blocage et dautre part, vu leur rigidité, ils ont plus de mémoire, étant moins souples.
2° Les fils tressés
Sont constitués dassemblage de nombreux fils fins. Leur surface est donc plus irrégulière et ils ont un effet capillaire.
Les avantages sont la très bonne souplesse du fils et une excellente tenue du noeud.
Les désavantages sont que le noeud risque de se bloquer avant dêtre complètement serré en raison du moindre glissement et si le fil doit coulisser dans un oeilleton métallique, il risque plus facilement de sabîmer.
2) Faut-il choisir un fil résorbable ou non résorbable ?
La disparition du fil par résorption supprime ce corps étranger. La solidité de la cicatrice doit suppléer à la perte de résistance du fil.
Le non résorbable, reste lui en tant que corps étranger, il doit donc être toléré par les tissus. Par contre, il garde à la suture la même solidité dans le temps.
Les différents fils résorbables.
Le catgut
est le plus ancien mais nest plus guère utilisé. Sa résistance nest en effet que de quelques jours et il se résorbe complètement en une dizaine de jours.Les fils synthétiques résorbables
Il existe trois familles : les polyglyconates (PGA), les polidyoxanones et les lactomères 9-1.
Il existe des fils tressés et des monofils.
Les fils tressés résorbables :
- A partir du polyglyconate, on trouve des produits comme lERCEDEX®, le DEXON® ou encore le LIGADEX®. Ils se résorbent relativement vite et perdent toute résistance au bout de 28 jours.
-Les copolymères glycoliques lactiques ou polylactines sont représentés par le VICRYL rapide® ou le VICRYL® dont la résorption est aussi rapide entre 60 et 75 jours en présentant une résistance satisfaisante durant 12 à 30 jours.
-La 3ème famille est représentée par les lactomères 9-1 comme le fils POLYSORB.
Les monofils synthétiques résorbables.
Ils peuvent être en polydyoxanone comme le PDS® qui a un temps de résorption lent, de 210 jours avec une résistance qui décroît avec le temps mais qui est longue : 60 jours. Il conserve encore 70 % de sa résistance à 15 jours et 58 % de sa résistance à 28 jours.
Le monocryl® est un peu plus rapide : temps de résorption : 100 jours, résistance 28 jours (50 % : 7 jours, 25 % : 14 jours).
Les fils non résorbables
1)Monofils :
a) Les polyamides comme le Nylon (ETHILON®, ETHICRIN®),
b) Les polyéthylènes comme le FILTHENE® ou le DERMALENE®
c) Les polyprophylènes sont très utilisés, comme le PROLENE®, le SURGILENE® ou le SURGIPRO®. Cest un fil très neutre, ne provoquant aucune réaction tissulaire, très plastique. Il est inaltérable. Ce fil peut être très fin mais il est fragile.
d) Les fluorures de polyvinylidène (PVDS) comme le TROFILENE® ou le MEDILENE®, sont des fils solides et souples.
e) Les terephtalates de polybutylène (PBT) comme le MIRALENE®, le MONOLENE® ou le MICROLENE® sont des fils très souples et très résistants.
f) Les polybutester comme le NOVAFIL® est particulièrement souple et très élastique.
2) Les fils tressés non résorbables
a) Le lin : encore utilisé dans certaines ligatures car il ne glisse absolument pas.
b) La soie : très souple et offrant une bonne tenue du noeud.
c) Les polyesters tressés : ce sont des fils non élastiques, très bien tolérés, offrant une bonne sécurité du noeud. Les exemples en sont lETHIBOND® ou le MERSUTURE®.
3)Quels fils choisir en arthroscopie ?
En chirurgie arthroscopique, il faut une bonne résistance du fil pendant 6 semaines à 2 mois minimum. Il faut donc utiliser soit un fil non résorbable, soit un fil résorbable mais à résorption lente comme le PDS.
Les travaux de C. Gerber ont montré que les fils tressés non résorbables comme lETHIBOND® ont les meilleurs résultats en terme délongation et de rupture. Dans son étude, les fils tressés résorbables de type VICRYL® ont de bons résultats mais leur résorption est trop rapide noffrant que 12 à 30 jours de résistance satisfaisante.
Dans son étude, le monofil résorbable type PDS® offre une excellente résistance mais par contre a la plus forte élongation sous charge.
En pratique, si lon souhaite un fil résorbable, il faut prendre le fil le plus lent en résorption à savoir le PDS®.
En intra-articulaire, cest sûrement le fil préféré.
Pour des sutures soumises à des plus fortes tensions, il est sûrement préférable de faire appel à un fil non résorbable tressé comme lETHYBOND® qui sera plus difficile à nouer mais dont les noeuds tiendront parfaitement bien. Il est très résistant et se déforme peu et est particulièrement indiqué dans les sutures de la coiffe des rotateurs.
II Quel point faire ?
Les deux points les plus classiques à savoir le point simple et les points en U ne sont pas, pour C. Gerber, les meilleurs points même si ce sont les seuls points réalisables en arthroscopie. Il a en effet montré que le point de Mason-Allen modifié offre une nettement meilleure résistance à la charge avec un point de rupture à 359 N contre 184 N pour le point simple et 269 N pour le point en U.
Le point de Mason Allen modifié:
Sous arthroscopie, il est donc préférable de faire des points en U que des points simples et si possible de les doubler.
III Quels noeuds faire ?
En pratique, 2 situations sont possibles : soit le fil peut coulisser pour être noué ce qui est le plus commode, soit le fil est fixé comme cest le cas par exemple lorsquon réalise des points en U reliant deux ancres.
Si le fil peut coulisser :
D. Harryman et T. Loutzenheiser ont montré en 1995 que le premier noeud réalisé doit être soit une clef simple,
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soit un noeud de pêcheur plutôt quune demi-clef qui aura tendance à glisser. ----------------------->
Le noeud de pêcheur nest réalisable que si les fils peuvent coulisser.
Ensuite, il a montré quil faut inverser les demi-clefs dune part et dautre part, inverser le bras tracteur.
Si le fil ne peut pas coulisser :
Le noeud de pêcheur ne peut pas être réalisé dans ce cas.
Il faut donc commencer par deux demi-clefs dans le même sens, maintenir la traction sur 1 brin et éviter toute traction intempestive sur le deuxième jusquà ce que la troisième demi-clef inversée vienne bloquer les deux premiers.
<----------- Il faut ensuite faire 5 ou même 6 demi-clefs en respectant à nouveau linversion des demi-clefs dune part et linversion des brins tracteurs dautre part.
Il est possible de faire un noeud plat avec un peu d entraînement:
-poser un premier noeud " brin dessus" en le descendant avec le pousse-noeud sur la berge. le pousse-noeud doit agir sur un seul brin, comme le doigt lorsque l on fait un noeud de chaussure. il doit reposer bien à plat sur le tissu.
-Puis descendre une 2° 1/2 clef inversée avec le pousse-noeud et l appliquer sur le premier .
-Il faut ensuite retirer le pousse-noeud et le redescendre le long du brin tracteur et exercer une tension égale sur les 2 brins pour serrer et sécuriser le noeud plat ainsi réalisé.
- On descend pour finir plusieurs 1/2 clés en les inversant et en inversant le brin tracteur pour renforcer le noeud plat.
IV positionnement de l ancre
V Les dix commandements
I
Une salade de fils tu éviteras. Si on a plus d un fil dans l articulation, il faut isoler les brins de chaque fil dans une canule différente.II
Les torsades tu éviteras. Passer le pousse noeud " à vide " avant de descendre les clefs.III
Les blocages tu éviteras. Ne pas laisser une clef coincé dans la canule, car le blocage du noeud avec la 1/2 clef suivante sera inévitable!IV
Tout glissement tu éviteras! Ne jamais faire toutes ses 1/2 clefs le long du même fil tracteur, ce qui diminuera de 50% la résistance du noeud, quelque soit le nombre de 1/2 clefs!V
La paresse tu évitera! Pour bloquer le premier noeud, il faut au moins 3 1/2 clefs, et si possible plus si il s agit d un monofil.VI
Toute tension tu éviteras! Il faut détendre la structure que l on réinsère (par ex rotation interne du bras dans un Bankart ou abduction au cours d une réparation de la coiffe)VII
D adaptabilité tu feras preuve. Si la tension est inévitable un noeud de glissement tu préféreras, si le coulissement du fil dans l oeilleton de l ancre s avère difficile un noeud fixe tu préféreras.VIII
Le bon instrument tu utiliserasIX
L apprentissage tu respecteras en t entraînant en dehors de la salle d opération!X
de la patience tu auras!Références
Fischer Scott P. Tying good knots arthroscopically. Abstract of AANA specialty day, february 16, 1997.
Gerber C, Schneeberger A; Beck M, Schlegel U. Mechanical strength of repairs of the rotator cuff. J Bone joint Surg, br 1994; 76-B: 671-80.
Loutzenhziser TD, Harryman II DT, Yung SH, France MP, Sidles JA: Optimizing Arthroscopic knots. Arthroscopy 1995; 11: 199-206.